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Immersion dans l'Institut médico-éducatif Léonce Malecot de Saint-Cloud

07h00, après avoir été accueilli et briefé par la directrice exceptionnelle de l'IME Léonce Malecot, je débute ma journée d'immersion auprès des éducateurs spécialisés par le réveil des élèves de l'internat, le rangement des chambres et un premier temps collectif dans la salle de jeux.

08h00, direction le petit-déjeuner. Vendredi, c'est une tradition, les croissants et les pains au chocolat sont disposés sur les grandes tables colorées. Les enfants sont partagés entre la crainte suscitée par ce drôle de nouvel arrivant et la curiosité de faire connaissance. Les éducateurs, qui ont pris la relève de l'équipe de nuit, sont d'une patience absolue et reprennent chaque élève qui oublie de se présenter avec une complicité déroutante. Les enfants non-verbaux prennent appui sur leurs camarades pour décliner leur identité avant de déguerpir. Ce qui me marque déjà, c'est la puissance du collectif et l'extraordinaire bienveillance des enfants entre eux.

Ils sont tous différents, et donc tous solidaires de leur différence.

Les verres de lait engloutis et les dents brossées, la cohorte se disperse et file vers ses activités, j'accompagne un élève pour son temps scolaire. Un cours en tête à tête avec un professeur de l'Éducation nationale spécialisé dans l'accompagnement d'enfants avec de lourds handicaps mentaux. La pédagogie est unique, personnalisée. Elle se base sur les couleurs, les sons, la musique qui permet de mieux mémoriser les syllabes.

Ça fait 2 ans et demi que cet élève apprend à lire. 2 ans et demi.

Un combat quotidien contre une mémoire défaillante et un autisme qui fait de cet apprentissage un Himalaya au carré. La force dégagée par ce jeune garçon me bouleverse, son courage est immense face à des progrès lents. Mais sa détermination est une inspiration.

Au bout d'une heure nous filons à l'activité cuisine. Répartis en binôme, nous œuvrons pendant plus de deux heures à la confection du déjeuner. Chaque élève est autonome sous le regard toujours bienveillant des deux éducatrices, les tâches sont détaillées dans des cartes confectionnées par leurs soins. Ici on travaille la coordination manuelle, la lecture, le suivi de consignes précises et la concentration. Les enfants, parfois très dissipés plus tôt dans la mâtinée, sont particulièrement méticuleux. Je saisis tout l'intérêt de ces activités qui mêlent la préparation à une vie d’adulte en autonomie et un travail nécessaire sur la dextérité et la maîtrise de gestes complexes. Là encore, je suis frappé par la puissance du collectif. Marqué par le fait que des enfants pourtant si renfermés sur eux-mêmes développent un sens de l'autre si aigu.

À 12h30, nous passons à table, les responsables de la structure et de l'association se joignent à nous. On parle des vacances.

1 enfant sur 2 de l'IME est à l'ASE. Les difficultés se cumulent.

Mon voisin de petit déjeuner va pour la première fois découvrir le ski. On divague sur les modes de transports, les types de locomotives et de RER qui sont une passion quasi unanimement partagée.

À 14h00, c'est le week-end. Les enfants repartent en taxi ou en voiture dans leur famille, leur famille d'accueil ou leur foyer. Les éducateurs font le debriefing de la semaine, des progrès identifiés de chacun. Des inquiétudes pour d'autres.

Moi je repars un peu sonné vers mes rendez vous en circonscription. Le retour à la réalité de mon quotidien me paraît un peu différent, je culpabilise de tout. De ma liberté, de ma santé, de mon absence de problèmes. De mon engagement qui me paraît bien pâle et futile en comparaison avec les équipes côtoyées toute la journée qui dédient leur vie à ses jeunes. Pour des salaires modestes, loin de l'agitation politique, des lumières des plateaux d'informations en continu.