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Merci, Monsieur Badinter. La Patrie reconnaissante.

L'un des souvenirs les plus précieux que je garde de mon passage en cabinet à l'Élysée fut ma rencontre avec Élisabeth et Robert Badinter. Pour préparer le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, en 2021, au Panthéon déjà, j'avais eu la chance immense de me rendre dans leur appartement afin d'évoquer ensemble le déroulé de la cérémonie dont j'avais la charge. Ils m'avaient reçu comme des grands-parents reçoivent un de leurs petits-enfants. Ils avaient insisté pour que nous buvions le thé et que je mange une madeleine «Parce que ça ne doit pas être de tout repos, votre boulot en ce moment, et que vous êtes encore bien jeune.» Je me souviendrai toujours de cette sensation si particulière : me retrouver face à deux monuments, deux personnages illustres que j'admirais tant, mais qui faisaient preuve d'une extraordinaire humilité et simplicité. C'était infiniment déconcertant, et cela renforçait encore un peu plus le respect inépuisable que j'éprouvais à leur égard. Ils avaient insisté longuement pour que tout se fasse le plus facilement possible pour les équipes de la Présidence, se résignant pudiquement à l'honneur de l'ouverture des grandes portes pour l'occasion (fait rarissime) et déclinant toute aide ou protocole additionnels. Ils étaient sobres, dignes. Le jour de la cérémonie, avant de monter sur scène, il m'avait confié son long manteau en laine noire. Il me demanda, avec malice, son discours dissimulé dans sa poche, et me remercia d'un clin d’œil. Son allocution, que dis-je, son réquisitoire, à 93 ans, fut une leçon de finesse, d'éloquence et d'engagement pour l'abolition universelle, qui me transporte encore aujourd'hui. Merci, Monsieur Badinter. La Patrie reconnaissante.